Quatre Sans Quatre

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Quatre Sans Quatre, le webzine qui n'a rien trouvé de mieux! Chroniques littéraires - principalement polars mais pas que -, cultures alternatives, musique, numérique et tout le toutim ! Producteur de l'émission radio Des Polars et des Notes en partenariat avec Radio Évasion.

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2 mars 2015

Un tatoueur taré dans une ville de dingues

« De l'émotion je vais vous en donner mais ça risque de faire un peu mal. »

Sortez les cuirs, la gomina, changez les cordes et faites chauffer les Marshalls à lampes ! Un Mort de Trop secoue fort et sonne terriblement bien! Une écriture poing dans la gueule et savate dans les gonades. Haletante parfois, tant l'urgence de sortir tout le pus accumulé dans cette enclave de paumés se fait pressante. Cruelle, juste et précise pour les travers et drôleries de l'humanité imbibée qui sacrifie tous les jours son foie au bar de L'Indiana. Une offrande aux Dieux pervers de Saint-Amand-La-Givray – portant si bien son nom - tribu rurale bordée de montagnes/murs, camp de prisonniers d'un temps immobile à en devenir mortel.

Alexandra Appers n'est pas là pour faire dans la dentelle ni pour prendre le thé avec les petits gâteaux idoines. Son roman rocke et rolle furieusement, par tous les pores et sur tous les tons dans cette histoire de dingues aux accents quasi céliniens quand elle décrit le peuple du bistro, sosies d'Elvis pathétiques cirrhotiques, routiers beaufs ou bikers d'opérette. Des dialogues digne d'Audiard, des images d’Épinal du langage populaire, qui touchent en plein cœur, qui attaquent directement la cible par rafales de réparties saignantes et définitives.

L'œil collé au microscope, l'auteure dissèque patiemment le biotope et le décrit d'une langue riche en images et sons variés, en sentiments confus, en non-dits terrifiants Elle réussit l'exploit de faire la Une avec un chien écrasé, elle hisse la trivialité au niveau des beaux-arts grâce à ce petit plus, cette pépite rare - un style exceptionnel - bien à elle, qui rayonne sur l'ensemble du livre. Elle a chopé le beat des péquenots du coin et envoie ses mots, à l'élégance féroce, rythmer les scènes, animer les anti-héros, patauger dans la petite ignominie et en sortir la tête haute, le devoir accompli.

Chaque tête de chapitre s'orne d'un titre, très évocateur, de chanson ou de film. Un Mort de Trop ne vient pas d'une autre planète mais de la nôtre, nourri de la culture rock, de la société des images animées qui font rêver d'un ailleurs meilleur, ou pire, mais toujours potentiellement plus excitant et riche de promesses que le cloaque où l'on croupi, noyé dans les effluves délétère d'un passé qui ne lâche jamais l'affaire, d'un futur peint aux couleurs délavées d'un présent fait de vaines attentes d'un grand soir éternellement absent et d'aubes pâles aux relents de gueule de bois...

Au fait, je vous ai dit que j'aimais ce bouquin ?

Suite de la chronique et musique du livre sur Quatre Sans Quatre (http://quatresansquatre.com/article/chronique-livres-un-mort-de-trop-de-alexandra-appers-1403373884 )

Article/interview Alexandra Appers ([[http://quatresansquatre.com/article/interview-alexandra-appers-1403699414)

Interview Des Polars et des Notes Alexandra Appers (http://quatresansquatre.com/article/radio-des-polars-et-des-notes-2-1411837876)

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2 mars 2015

Sale guerre au Pays basque

Ce livre est une des très bonnes surprises de ce début d'année 2014. Remarquablement écrit dans un style parfois proche du reportage, il pose de vraies questions sur ce qui est admissible en matière de lutte contre le terrorisme et ce qui est totalement indéfendable, sur les barbouzes utilisés dans tous les conflits similaires sans pour autant négliger l'histoire personnelle du héros qui va être confronté à des racines qu'il n'a jamais explorer et un monde qu'il ne soupçonne pas.

Pressé par tous de « choisir son camp », surnommé « erdaldun », celui qui ne parle pas basque, par son collègue, Iban va devoir s'imprégner rapidement des réalités du pays, des relations complexes entre les médias et les différentes factions et repérer les mensonges qui lui sont servis par tous. Il va aussi falloir qu'il découvre ce qui le pousse à s'intéresser contre l'avis de tous à cette enquête, ce qui résonne en lui de ces histoires qui ne sont pas les siennes ?

Marin Ledun réussit le tour de force de nous perdre en même temps que son personnage alors que nous connaissions les faits depuis le début, c'est le chemin qui est important et il est rudement bien balisé sans tomber dans le manichéisme facile et débile qui affadirait le propos! Les chapitres mêlent habilement les points de vues et errements des principaux protagonistes, chacun son style et ses motivations, le livre passe sans interruption du particulier au général, du héros aux salauds sans perdre une seconde de son intérêt.

Un bouquin à part d'une grande qualité littéraire qui ne sacrifie pas l'efficacité du suspense aux différents sujets évoqués en profondeur !

Suite de la chronique et musique du livre sur Quatre Sans Quatre (http://quatresansquatre.com/article/l-homme-qui-a-vu-l-homme-magistral-polar-atypique-1392744676 )

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2 mars 2015

L'hiver d'une communauté dans l'attente d'un plan social

Attention, grand roman ! Au delà de l'anecdotique fermeture d'usine, la galerie de personnages, à elle seule, mérite déjà de se plonger avec voracité dans ce récit. Pas d'exotisme ou d'artifices, c'est du réel, du concret, des gens que nous connaissons tous, une immersion dans la vraie vie et les sales coups du destin, dans la connerie ordinaire également, servie généreusement.

Et ces personnages vivent une histoire banale mais admirablement écrite, sans fard, sans en rajouter. Nicolas Mathieu a le très grand talent de rendre passionnant l'ordinaire, le trivial, le quotidien. Les petites bassesses, les arrangements avec l'honnêteté, les magouilles, les minuscules révoltes deviennent un grand scénario à suspense, un vrai bon livre d'action. Il nous fait vivre de l'intérieur cette décrépitude, ce délitement de toute un univers, le poids de l'ennui et de la lassitude de vivre encore un peu.

Un des derniers homme de main de l'OAS, la fin des ouvriers, les ultimes jours de boulot... il ne manque qu'un avenir, un demain pour rompre le cercle mais rien à l'horizon. Juste un peu plus d'emmerdes et moins de lumière, sauf cette neige qui anesthésie tout. La fermeture des ateliers, une situation inconnue jusqu'alors dans cette vallée, un verdict suprême et sans appel ! Point de repère pour expliquer tout ça, « A force de tricoter leur mythologie, les vieux en oubliaient la réalité. Des vies brisées par le boulot, des corps rognés, tordus, des existences écourtées, des horizons minuscules », et ce peu, on leur retirait...faut pas s'étonner des haines et des rancœurs, des saloperies et du dégoût...

Une plongée magnifique dans l'hiver du temps et des hommes, crue, drue, sans concession, dans une belle prose syncopée, un livre touchant et beau.

Suite de la chronique et la musique du livre sur Quatre Sans Quatre (http://quatresansquatre.com/article/chronique-livre-aux-animaux-la-guerre-de-nicolas-mathieu-1406024140, LINK:http://quatresansquatre.com/article/chronique-livre-aux-animaux-la-guerre-de-nicolas-mathieu-1406024140]] )

L'interview de l'auteur sur Quatre Sans Quatre (http://quatresansquatre.com/article/interview-nicolas-mathieu-pour-aux-animaux-la-guerre-1406454966)

à la radio, Des Polars et des Notes (http://quatresansquatre.com/article/radio-des-polars-et-des-notes-le-pilote-1410872806)

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2 mars 2015

Pour les secrets, c'est 50 nuances de noir...

La noctambule est très loin d'être un polar classique et ce n'est pas du tout un défaut. Certes, Johnny est un privé, il a une secrétaire d'une importance capitale pour son travail et son équilibre, un allié flic et les politiciens contre lui, les codes sont là. Mais ici s'arrête la comparaison. Pour le reste, ce livre est une fort belle fable sur le rôle et l'importance des parts d'ombre dans la société, sur les dangers de la transparence absolue et une excellent exercice de style (fort bon d'ailleurs, le style, pas l'exercice ;-).

Arnaud Le Gouëfflec flirte avec le surréalisme, il réussit le challenge de nous embarquer dans un scénario onirique avec une très belle écriture, légère et drôle, truffée d'images et de références. Mine de rien, de secrets en énigmes, il évoque des risques aussi sérieux que le totalitarisme ou les phénomènes de foule. Ceux où la haine devient leitmotiv, où la bêtise ou les intérêts d'un seul motive une meute qui ne réfléchit plus.

Ce conte cruel du jeu des apparences, du vrai et du faux, est une friandise acidulée. Il peut être lu comme une farce mais laisse tout de même un petit goût acide qui titille les neurones endormies à grands renforts de platitudes médiatiques. Le secret ne semble pas le seul à devoir être débusqué, La Noctambule s'ouvre par un « longtemps, je me suis couché de bonne heure. » démontrant que le temps, éventuellement perdu, fait cogiter ce bon Spinoza qui ne laisse pas à son illustre homonyme l'exclusivité de penser l'éthique et traque l'incongru lorsqu'il le croise.

Un très bon moment, plein d'humour, écrit fort élégamment et avec talent, des images ciselées, un vrai récit à suspense. Un roman totalement réussi, hors des sentiers battus, qui mérite réellement le détour.

Suite de la chronique sur Quatre Sans Quatre (http://quatresansquatre.com/article/chronique-livre-la-noctambule-de-arnaud-le-gouefflec-1422553303 )

L'interview de Arnaud Le Gouëfflec dans Des Polars et des Notes (http://quatresansquatre.com/article/radio-des-polars-et-des-notes-special-odyssee-des-mots-100-polar-a-quimper-1424109339)

Bosco, Jacques Olivier

Jigal

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2 mars 2015

Un thriller passionnant !

Deux romans pour le prix d'un ou presque, les recherches des parents et les aventures tragiques des enfants se mêlent tout au long du récit et le lecteur passe d'un suspense à l'autre, d'une situation d'espoir pour les uns à la détresse des autres. Les scènes d'action se succèdent à un rythme dingue sans pour autant laisser de côté les moments de tendresse et d'amitié qui vont peu à peu unir ces gosses tirer de leur environnement, heureux ou malheureux mais qui démontrent tous d'extraordinaires facultés d'adaptation et de courage.

Même s'ils reproduisent les stéréotypes parentaux, il y a une fureur de vivre, une solidarité et une volonté qui habitent ces jeunes en grand danger qui n'ont pas encore appris à calculer et réagissent plus à l'instinct bien qu'avec brio à une situation catastrophique.

Le fond du récit, ces arrangements avec les valeurs, avec l'éthique de la justice qu'il va bien falloir solder, n'est pas qu'un scénario. Certes, Vigo est un sinistre personnage, certes, il mérite cent fois d'être emprisonné, mais, la conduite totalement immorale des protagonistes de l'affaire, par intérêt personnel, ambition ou lâcheté, n'est pas excusable. Un déni de justice reste un déni de justice quelque soit l'accusé qui en est victime.

Chacun des parents va réagir selon sa personnalité et ses capacités. Ils sont pour la plupart eux aussi victimes, bien que consentante, ils vont devoir essayer de trouver le chemin de la rédemption et c'est loin d'être simple. Là encore, l'action est agréablement entrecoupée de larges parts de réflexions intimes, de retours sur ce passé honteux qui leur est projeté violemment au visage.

Ce thriller est magnifique, une écriture fluide et rapide qui sait se faire intime lorsqu'il le faut. Bosco parvient à nous captiver pareillement sur les deux plans de son histoire et peindre de longs passages d'espoir dans le sombre d'un scénario tragique. S'il faut faire une comparaison, c'est du côté du fabuleux roman de Patrick Bauwen, Les fantômes d'Eden, dont je vous ai parlé il y a peu, qu'il faut chercher. Aussi passionnant, mêlant tous deux aventures d'ados et enquête d'adultes avec cette même faculté à passer d'un univers à l'autre en restant parfaitement crédible.

Quand les anges tombent, encore une belle publication de Jimmy Gallier et de ses éditions Jigal Polar, un roman à découvrir si ce n'est pas encore fait !

Suite de la chronique et musique du livre sur Quatre Sans Quatre (http://quatresansquatre.com/article/chronique-livre-quand-les-anges-tombent-de-jacques-olivier-bosco-1422805705)
Interview de Jacques-Olivier Bosco dans Des Polars et des Notes (http://quatresansquatre.com/article/radio-des-polars-et-des-notes-special-odyssee-des-mots-100-polar-a-quimper-1424109339)