Bruit public, Rumeurs et charisme napoléonien 1814-1823
EAN13
9791026710967
Éditeur
Champ Vallon
Date de publication
Collection
Epoques
Langue
français
Langue d'origine
français
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Bruit public

Rumeurs et charisme napoléonien 1814-1823

Champ Vallon

Epoques

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La circulation des rumeurs est une dimension essentielle du fonctionnement des
opinions publiques contemporaines. Et puisque c'est notamment par internet que
se propagent les fake news, on a parfois le sentiment d'être en présence d'un
phénomène très récent, associé à l'essor de nouveaux modes de communication.
Bien évidemment il n'en est rien. Les rumeurs n'ont jamais cessé de modeler
les représentations sociales du monde, et plus particulièrement du monde
politique. Dans certaines circonstances, elles pouvaient directement provoquer
des violences, ou des mobilisations populaires. Pensons à l'épisode de la
Grande Peur de 1789 étudié par Georges Lefebvre (La Grande peur de 1789,
Paris, Colin, 1932). A vai dire c'est la Révolution dans son ensemble qui met
ne évidence l'importance de la rumeur dans l'histoire (Timothy Tackett,
Anatomie de la Terreur. Le processus révolutionnaire. 1787-1793, Paris, Seuil,
2018). Ce livre est une contribution à l'histoire des rumeurs. On y verra
comment un degré élevé d'incertitude, caractéristique des périodes de crise
politique, crée une attente, et provoque le bourgeonnement de fausses
nouvelles. On observera aussi comment les modes de communication ordinaires
assurent la diffusion de ces informations. L'ouvrage traite par conséquent de
l'histoire de la communication et du contrôle de l'information par le pouvoir
d'Etat. On y trouvera une archéologie des formes de lutte contre les fausses
nouvelles. Si l'on a fait le choix de restreindre cette étude aux premières
années de la Restauration, c'est par ce qu'elles constituent un moment
remarquable dans l'histoire de la rumeur politique. Pendant plus de deux ans,
l'espace public fut sans discontinuer parcouru en tous sens par des « fausses
nouvelles ». Il était notamment question de complots (complot aristocratique,
conjuration bonapartiste ou jacobine, pacte de famine …), du rétablissement
des rentes féodales. On s'entretenait encore de la reprise des guerres
européennes. Et, surtout, du retour de Napoléon. Le pouvoir, tout en
brocardant le ridicule de ces « fables », prenait les choses très au sérieux.
Tous ces bruits maintenaient les habitants dans un état d’agitation
permanente. L'État finit par adopter un arsenal inédit de mesures répressives.
Deux lois d'exception permirent aux tribunaux d'engager des poursuites contre
les colporteurs de bruits alarmants. Des centaines d'hommes et de femmes,
accusés d'avoir répété une fausse nouvelle, furent condamnés à des peines de
prison, systématiquement assorties d'une amende et d'une mise en surveillance
sous le régime de la haute police. Mais, pour contenir cette effervescence, il
fallut aussi imaginer des solutions alternatives à la répression policière et
à la sanction pénale. On s’efforça de démentir les rumeurs au moyen d’affiches
ou de petits journaux bon marché. Les maires et les curés furent mis à
contribution. Et certains préfets, désemparés, n'hésitèrent pas à interdire
aux populations de s’entretenir des affaires politiques. Ce qui fait la
particularité de cette séquence, c'est l'extraordinaire prolifération des
nouvelles relatives à Napoléon Bonaparte. Elles annonçaient, dans leur immense
majorité, son prochain retour en France. Ce bruit avait envahi l’espace
public. Du retour de l'empereur, il était question dans toutes les
conversations. Et des graffitis, des placards, des cris séditieux, des
chansons, des oracles annonçaient l'événement. Dans les campagnes, des devins
affirmaient que l'Empereur serait bientôt à Paris. Au paroxysme de cette
tension, en janvier et février 1816, la nouvelle provoqua ici ou là des
réactions de peur panique, notamment parmi les paysans qui redoutaient la
reprise des guerres et le rétablissement de la conscription. Par conséquent
ces rumeurs n’étaient pas seulement l’expression d'un souhait, d’une
aspiration collective. Toutefois elles désignaient généralement Napoléon comme
un héros libérateur, doté de pouvoirs hors du commun. La circulation des
rumeurs napoléoniennes constitue donc une caractéristique remarquable de la
ferveur populaire qui entoura l’empereur déchu au commencement des deux
Restaurations (la question a été brièvement abordée par Sudhir Hazareesingh
dans La légende de Napoléon, Paris, Tallandier, 2005). On peut déchiffrer dans
ces rumeurs toutes sortes d'expressions d'une représentation populaire du
héros national. Mais c'est leur caractère prédictif, prospectif, et dans
certains cas clairement prophétique, qui retiendra notre attention. Pour un
nombre incalculable de sujets du roi, le règne de Napoléon n’était pas un
temps définitivement révolu, une expérience achevée. Une période heureuse et
glorieuse, vers laquelle ils se seraient tournés par dépit, pour fuir le
présent. Il était une espérance, un horizon qui s’offrait à leurs attentes.
L'objectif de l'ouvrage sera d'étudier comment le culte populaire du héros
charismatique s'est forgé, dans un contexte de prolifération des rumeurs
politiques, comme une attente à caractère messianique. François Ploux est né
en 1966. Il est actuellement professeur d'histoire contemporaine à
l'université Bretagne-Sud (Lorient). Il s'intéresse à l'histoire sociale et
politique du XIXe siècle. Ses travaux ont d'abord porté sur la violence dans
le monde rural (Guerres paysannes en Quercy. Violences, conciliation et
répression pénale dans le Lot (1810-1860), La Boutique de l'Histoire, 2002).
L'ouvrage est une version remanièe d'une thèse dirigée par Alain Corbin.
François Ploux a également réalisé une enquête socio-historique sur les
auteurs de monographies communales, et leur contribution à la célébration de
la ruralité comme de l'enracinement (Une mémoire de papier. Les historiens de
village et le culte des petites patries locales, Rennes, Presses
universitaires de Rennes, 2011). Publié chez Aubier en 2003, De bouche à
oreille. Naissance et propagation des rumeurs dans la France du XIXe siècle
tente de dégager quelques propriétés générales de la propagation des fausses
nouvelles avant la révolution de la presse périodique.
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