• Conseillé par (Libraire)
    29 septembre 2023

    ACCESSIBLE ET INEDIT

    En feuilletant ce beau livre, la lectrice ou le lecteur, habitué(e) aux ouvrages consacrés à la peinture se trouvera probablement, en terrain connu. Sur les pages de droite, quatre vingts tableaux, sur les pages de gauche, le nom de l’artiste, le titre de l’oeuvre, la date de sa réalisation et un commentaire d’une page. Du classique et du traditionnel pour dire une histoire de l’art qui débute avec les gravures de la grotte Chauvet et s'achève avec les provocations contemporaines de Kara Walker. L’iconographie choisie ne prend pas systématiquement le contre-pied des ouvrages traditionnels. On y retrouve la Desserte, Harmonie Rouge de Matisse, l’autoportrait de Paula Modersohn-Becker, le Cri de Munch, autant d’oeuvres incontournables qui côtoient parfois des choix plus originaux comme les Deux Crabes de Van Gogh ou La Blouse verte de Bonnard. Les grands noms incontestés sont présents mais pas obligatoirement pour leurs oeuvres emblématiques.

    Classique avec une volonté d’originalité ponctuelle, les choix subjectifs, épousent cependant l’air du temps. Les artistes femmes sont ainsi beaucoup plus nombreuses que dans beaucoup de rétrospectives antérieures. On retrouve bien entendu Suzanne Valadon, Berthe Morisot mais aussi des peintres moins connues comme Angelica Kaufmann, Lavinia Fontana ou encore Clara Peeters, artistes antérieures au XVIII ème siècle, période qui n’a souvent retenu que les noms de leurs homologues masculins.

    C’est en fait l'approche chromatique de chaque tableau qui fait l’originalité de l’ouvrage, une approche que symbolise en bordure de page, une colonne déclinant la palette de couleurs utilisée. C’est bien en effet sous le prisme de ces palettes de couleurs que sont examinées à la fois les oeuvres choisies, dont on comprend alors la sélection pour leur originalité chromatique, mais aussi qu’est expliquée l’évolution de la pratique picturale au fil des siècles.

    De même que l’évolution de la technique des appareils photos, a transformé l’art photographique, permettant de passer des poses figées des daguerréotypes aux photos de sports, la peinture a suivi l’évolution, peu connue, des produits et des supports utilisés. Les Hommes de Lascaux ne disposaient que de quatre couleurs alors qu’un artiste d‘aujourd’hui peut utiliser dix mille références répertoriées. La représentation picturale au fil des siècles s’infléchit ainsi au gré des progrès de la science en matière de couleurs. En changeant son liant et en remplaçant la détrempe à l’oeuf par un mélange de pigments, d’huile de lin et d’huile de noix, Van Eyck a modifié à jamais la luminosité des oeuvres futures. On sait que la peinture impressionniste, saisissant l’air du temps sur le motif, doit beaucoup à l’innovation des tubes, mais on ignore beaucoup plus souvent que l’invention du bleu de Prusse en 1704, premier pigment synthétique, ouvrit encore beaucoup plus de perspectives. « Maintenant qu’un chimiste avait découvert comment fabriquer du bleu de façon artificielle, d’autres allaient suivre (…) » permettant de démultiplier les vingt pigments de couleur naturelle utilisés jusqu’alors. Ce n’est pas une histoire des couleurs, chère à Michel Pastoureau, que nous propose l’autrice mais plutôt une histoire scientifique de leur évolution et de leur traduction dans les tableaux des artistes.

    Cette inter connexion rarement décrite est ici utilement développée et nous offre une agréable et ludique visite d’un musée imaginaire, riche de mille couleurs. Ou de leur absence.