Wanted

Claire Delannoy

Albin Michel

  • Conseillé par
    13 février 2023

    Un face à face tendu. Elsa, une femme d'un âge certain, au passé révolutionnaire qui l'a contrainte à une longue cavale. Anton, homme plus jeune qui tente de comprendre Elsa, qui la traque même sans doute depuis des années.

    Si vous entrez comme moi dans un roman sans rien en lire en amont, vous risquez d'être un peu désappointé par les premières phrases de celui-ci, ne comprenant pas où l'autrice veut nous mener ni même de quoi elle parle. Mais tenez bon, car il suffit de se laisser faire et bientôt, il est difficile de lâcher le livre. Claire Delannoy ne donne que peu d'explications -sauf à la toute fin, histoire de ne laisser personne sur le bord du chemin-, c'est le lecteur qui fait le lien entre ce que racontent Elsa et Anton et leurs attitudes. J'aime bien ce procédé. De courts chapitres, vus par Elsa. Un récit court, ramassé qui pourtant ne laisse rien de côté. Exit les longues théories, les discours oiseux, la logorrhéé. Claire Delannoy écrit un roman dépouillé et dense, épuré. Un face à face vital pour Anton et Elsa, inévitable. De ceux qui sont soit salvateurs soit emmènent vers la fin.

    C'est fort bien écrit, très agréable à lire. L'autrice pousse ses personnages aux confidences, Elsa se livre comme jamais, fait le point sur une vie de cavale : les gens croisés, aimés, lâchés... idem pour les idées... C'est surtout elle qui parle, mais Anton a beaucoup à dire également, par les gestes, les attitudes. Et le lecteur a du travail de lien, d'imagination, un peu comme l'un de ces exercices que l'on croise parfois : il manque des lettres dans un mot, mais on le lit et le comprend aisément, et parfois même il faut relire plusieurs fois pour s'apercevoir que quelques lettres sont absentes parce que le cerveau a comblé les vides ou remis en ordre les lettres, de lui-même.

    Ce roman débute ainsi : "J'ai toujours ressenti une détresse et une jubilation que je devais dissimuler sous l'apparence du détachement ou de la bêtise, lui dit-elle en détachant les mots, depuis ma toute petite enfance j'ai cru à ça, porter le masque de l'indifférence pour dissimuler la différence, faire comme si. C'était un écart constant, c'est devenu ma cotte de mailles et ma fatalité." (p.7)