44 jours

David Peace

Rivages

  • Conseillé par
    24 août 2010

    Fair play & bosses !

    De David Peace, j'ai lu il y a quelques temps déjà, « 1974 » et « 1977 » mais je n'ai pas pu finir « 1980 »?
    Cette année là, 1974, j'habitais Londres et j'aimais le football anglais, donc j'avais très envie de lire ce livre.

    Leeds United est champion d'Angleterre, les grandes équipes du moment sont Liverpool, Derby ou Ispswich. Dans les clubs qui descendent en seconde division figurent Manchester United!
    Brian Clough était un très grand joueur, une grave blessure arrêtera sa carrière professionnelle. Il deviendra un grand entraîneur en menant Derby County au titre suprême.
    Adjoindre un grand entraîneur à une grande équipe, cela conduira à un des plus grand fiascos du football anglais!
    Ce livre se déroule du mercredi 31 juillet au 12 septembre 1974, date à laquelle Brian Clough sera renvoyé !
    D'entrée (de jeu!), le malaise s'installe, l'auteur appuie où cela fait mal, très mal, les coulisses peu reluisants d'un club de très haut niveau, les querelles intestines à tous les échelons. Entre joueurs les amitiés supposées masquent mal des rivalités sportives, des dirigeants avides de notoriété, d'argent et de pouvoir, le tout forme un vrai panier à crabes d'où surnageront les plus forts ou les plus influents.
    Un des premiers gestes de Clough fut de détruire à coups de hache le bureau de son prédécesseur et de mettre le feu à tous ses dossiers dans un coin du parking des joueurs! C'est une manière surprenante de prendre ses fonctions!
    Les premières réunions avec les joueurs sont pour le moins tendues.
    Clough veut un jeu plus agréable, plus, dit-il, « d'honnêteté » de respect pour les adversaires et pour les arbitres. Et surtout il veut de nouveaux joueurs, estimant que cette équipe est sur le déclin et pas capable de gagner la coupe d'Europe. Signe du destin, le premier match officiel de Clough, rencontre de gala, opposant le champion au vainqueur de la coupe, sera une défaite contre Liverpool, et suprême injure, il verra pour la première fois l'expulsion de deux joueurs britanniques sur la pelouse mythique de Wembley! Dès lors, les carottes semblent cuites! Surtout qu'il demande des sanctions exemplaires contre Billy Bremmer, capitaine emblématique du club.
    La méthode Brian Clough ne passera pas et les résultats sont catastrophiques.
    Brian Clough est à lui seul un des personnages les plus marquants du football anglais, un égo à toute épreuve, une haute opinion de lui même, une grande gueule et il n'était pas spécialement connu pour sa diplomatie. En plus l'auteur part de l'hypothèse suivante, il déteste tout à Leeds, en particulier son ancien manager Don Revie, qui a été nommé entraîneur de l'équipe nationale, poste qu'il convoitait. Les joueurs ne sont pas ses joueurs, tout est réuni pour un affrontement. Clough a toujours managé des équipes sans grand palmarès. Il avait les pleins pouvoirs, ce qui n'est pas le cas ici. Un personnage très ambigu, très compétent, mais visiblement pas fait pour ce club qu'il détestait cordialement. C'était également un commentateur de télévision dont les interventions ne passaient pas inaperçues et le desservaient souvent!
    Les joueurs sont en général de vieux briscards, internationaux pour la plupart, et fortes têtes patentées. Des garçons comme Bremner, Gilles ou Hunter pour ne citer qu'eux avaient des caractères très forts, sur le terrain et en dehors.
    Un livre décapant sur le football anglais, des joueurs qui fument et boivent par exemple du samedi soir au jeudi matin! Certains clubs ont des dossiers sur les arbitres, cela aide parfois et explique certaines décisions pour le moins étranges. Le chantage est aussi une manière d'espionner l'ensemble de l'équipe, demander à un joueur nouveau venu d'avoir une oreille qui traîne et la langue bien pendue!
    Par contre je pense que pour bien apprécier ce livre, il faut connaître un peu le football anglais de l'époque, où aucun joueur étranger n'était accepté, sauf les Écossais, les Gallois et les Irlandais. Johnny Gilles restera tout au long du livre « L'Irlandais ». Il reste très lisible, mais évidement sans le côté vécu qui lui donne un charme supplémentaire.
    Deux écritures différentes, une classique où le narrateur est Clough lui-même. La seconde en italique nous plonge dans le passé de cet homme, sa blessure qui brisera sa carrière. L'auteur assène mots et phrases, les répétant plusieurs fois à suivre pour en souligner la dureté.
    Ses débuts de manager dans des clubs de troisième zone, son penchant pour l'alcool. Les doutes d'un responsable d'équipe de foot, les angoisses dissoutes au cognac, la solitude et la responsabilité car le résultat prime tout. Quelques notes positives, son amitié avec Peter Taylor qui durera toute sa vie et une famille unie malgré tous les problèmes de Brian.
    L'épilogue de tout cela est plutôt triste. Brian Clough sera de nouveau champion d'Angleterre avec Notthingham Forest, équipe avec laquelle il gagnera deux fois la coupe d'Europe, en ayant la particularité d'avoir gagné plus de coupes d'Europe que de championnat! Il est mort d'alcoolisme en 2004 en laissant derrière lui un des plus beaux palmarès de l'histoire du football anglais.
    Un très grand livre, qui remet quelques pendules à l'heure, l'argent d'abord en 1967, le contrat de Clough comme manager de Derby est de 5000 livres par AN? Ce qui au cours au 1er août donne 6354,0679 euros! Inflation quand tu nous tiens!

    Note personnelle : Durant ce court laps de temps - 31 juillet/ 12 septembre - dans lequel se déroule ce livre, j'ai rencontré une jeune et charmante française, à Londres. Depuis nous sommes toujours mariés! Et c'est elle qui corrige mes nombreuses fautes d'orthographe!