L'Alphabet du polar, 26 histoires inédites

Marc Villard, Jean-Bernard Pouy, José Corréa

Editions In8

  • Conseillé par
    23 novembre 2014

    Beau livre, format 17x24 illustré dans des tons noirs, gris, blancs et ce qu'on nomme aujourd'hui taupe. Dessins qui tournent évidemment autour du polar mais aussi autour du jazz, notamment pour Hold-up et Xylophone, parmi mes préférés avec Flic, Outing, Uchronie, Warhol et Yakusa. José Correa s'est approprié chaque histoire : une histoire/un dessin qui colle parfaitement, qui en quelques traits la résume, affirme l'ambiance ou y met le point final. J'aime beaucoup. Les illustrations et la mise en page, sur papier blanc ou sur des variations du "taupe", donnent à cet ouvrage un aspect beau livre, de ceux que l'on lit, que l'on a plaisir à montrer -à prêter un peu moins.

    Les deux auteurs, JB Pouy et Marc Villard sont des spécialistes ès polar. Encore une fois, ils montrent que l'atmosphère polar est dans la vie quotidienne, qu'il n'y a pas besoin de créer des personnages hors normes pour écrire des nouvelles ou des romans policiers. Une assemblée de copropriétaires, quelques mots doux échangés, et le petit truc qui fait que ça part en vrille. La nuit, la ville, le métro, le club de jazz sont des contextes évidents pour le genre, mais la maison de retraite (pour l'excellent nouvelle Gériatrie), le zoo peuvent l'être aussi. La preuve ici.
    Des vingt-six nouvelles, aucune n'est à jeter, à chaque fois, la chute fait mouche, même si parfois on peut s'en douter, elle arrive pile au bon moment. Les auteurs savent être légers, drôles, inattendus, sombres, noirs, tristes, moqueurs, ironiques, tendres, parfois plusieurs qualificatifs en même temps. En deux-trois pages, ils réussissent à planter un décor, des personnages crédibles et faire naître des images fortement inspirées des dessins de J. Correa mais il est vrai qu'ils excellent tous deux dans les nouvelles -et dans le romans aussi bien sûr. Ils abordent beaucoup de thèmes : l'immigration, la vieillesse mais non pas la renonciation à la vie, la prostitution, la vengeance, la violence gratuite, la mort, la musique, ... De ces vingt-six histoires, une m'a particulièrement plu -c'est vraiment pour citer un extrait, pour vous allécher, vous mes lecteurs (si si, il paraît qu'il y en a), car les vingt-cinq autres sont excellentes itou- ; ce n'est pas la plus poignante, ni la plus noire, c'est probablement la plus légère, qui m'a touché notamment par son style -signée JB Pouy-, Outing :
    "Les de Bournion-Gallibert formaient une belle et digne famille respectée de tous et du moins admirée par les plus passéistes et réactionnaires de leurs amis et connaissances. [...] Cela dit chez les de Bournion-Gallibert, tout n'était pas nimbé de rose. Pour l'anniversaire de la grand-mère, qui allait fêter ses nonante, tout le monde serait réuni, y compris le cadet absent qui avait prévenu qu'il serait là, et bien là, et un peu là, et qu'il en profiterait pour faire à tous une révélation qui mettrait en péril le bel équilibre familial, voire qui saperait durablement les certitudes de ce beau monde béat." (p.89/90)
    Voilà, je vous laisse avec cette digne famille vendéenne que l'auteur se plaît à égratigner. J'espère que vous irez à sa rencontre et à celle de tous les personnages de JB Pouy, M. Villard et J. Correa. A lire ou à offrir aux amateurs de polar ou non -c'est une belle entrée dans le genre pour ceux qui hésitent à ouvrir un roman-, aux petits lecteurs qui pourront lire à leur rythme et aux autres qui pourront le dévorer et le redévorer.