La vallée des masques

Tarun Tejpal

Albin Michel

  • Conseillé par
    31 mars 2013

    anticipation

    Après avoir lu ici ou là ou encore là, des avis élogieux sur ce roman de la rentrée de septembre, je ne pouvais qu'avoir envie de le lire, j'avais juste oublié qu'il s'agissait d'un roman d'anticipation. Et la SF et moi, on n'est pas copain. Bien sûr, pas de petits hommes verts ici, mais un vocabulaire bien spécifique que je n'ai su appréhender.

    Qui plus est, les phrases sont allambiquées, pleines de poncifs et de propagande ; à la longue, c'est plutôt lourd comme style.

    Sans oublier des personnages qui s'appellent QT2 ou KK9, même si c'est complètement logique dans le récit, ça n'aide pas à l'identification....

    L'histoire de la jeunesse et de la tradition de Aum m'a paru inutile, j'attendais que le récit démarre enfin, ce qui arrive à la moitié du livre.

    L'histoire et la jeunesse aveugle du héros ne m'ont pas passionnés. Jamais il ne se pose de questions, et ce n'est pas faute de rencontrer des gens qui s'en posent ou de traverser des épreuves.

    Tout est toujours axés sur la préparation au combat, ce qui me fait dire que ce roman est très masculin. Les femmes ne "servant" littéralement qu'à enfanter. Et même si c'est l'amour de deux femmes qui ouvrent les yeux à notre héros, il en aura mis du temps....

    Même si la fin est touchante, je n'ai pas aimé cette lecture.

    Une métaphore de société totalitaire, certes, mais qui aurait gagnée à offrir à la lectrice que je suis plus d'espoir.

    L'image que je retiendrai :

    Celle des Wafadar courant des heures et des heures et s'élevant dans le ciel pour se combattre.

    http://motamots.canalblog.com/archives/2013/03/23/26478792.html


  • Conseillé par
    17 janvier 2013

    Surprenant, passionnant et terrible !

    Roman surprenant, passionnant et terrible, « La vallée des masques » ausculte de l’intérieur la construction d’une idéologie et d’une spiritualité, la manière dont elle peuvent séduire et capter en s’érigeant sur les aspirations les plus nobles, mais aussi comment elles peuvent conduire aux pires aberrations en niant l’individu pour mettre en œuvre leurs préceptes.


  • Conseillé par
    20 décembre 2012

    Voilà un auteur dont j’avais entendu le plus grand bien sur la blogo et les diverses revue littéraires. Son nouveau roman se présentant comme une dystopie au cœur d’une secte indienne, je n’ai pas hésité longtemps à franchir le pas. Et il est vrai que l’auteur possède une plume incomparable, les figures de style et autres allégories étant légion. Il est d’ailleurs un peu compliqué au début de pénétrer dans l’univers de Tejpal, on ne sait pas trop où l’auteur veut nous emmener. Probablement que les digressions du narrateur y sont pour beaucoup, et le lecteur a besoin d’un peu de temps pour se plonger dans le bain. Une fois le nœud de l’intrigue lancée, il est pourtant difficile de lâcher prise.

    On parcourt ce roman mi- horrifié, mi- fasciné par cette mini société créé par un gourou légendaire, Aum. Le narrateur qui a fini par s’enfuir de cette secte corruptrice, remonte le fil de ses souvenirs depuis son enfance jusqu’à son évasion. C’est vraiment édifiant de voir « de l’intérieur » comment ces sectes mettent tout en place pour gommer toute trace d’individualité et de liberté de pensée de ses membres. Depuis la naissance, où l’on place les enfants dans une grande crèche collective où chaque lien filial est effacé au profit d’une lignée unique jusqu’aux relations sexuelles où il est interdit de marquer sa préférence pour quelqu’un. C’est tout simplement consternant ce déni de pensée personnelle…

    Et c’est ce qui fait la force de roman, cette plongée dans « l’inside » via un ancien membre qui attend ses assassins (car on ne s’enfuit pas impunément de cette vallée inaccessible…) Cette notion de pureté et d’égalité absolue pousse les membres à l’auto-flagellation et à l’autodestruction. Ils sont tellement endoctrinés qu’ils trouvent eux-mêmes une explication à chaque action (ou non-action) et se fustigent pour chaque faux-pas. C’est notamment vrai quand le narrateur tente de « rationaliser » son viol par plusieurs membres. Effroyable ! On pense aux sectes connues bien évidemment (dont celle d’Aum d’ailleurs), mais aussi aux régimes totalitaires et à leur pensée dangereuse de système collectif. « La vallée des masques » apporte ainsi de nombreuses réflexions et nous ouvre les yeux sur les dérives du pouvoir.

    En bref, un roman intense et choquant qui, s’il laisse place à quelques longueurs, n’en vaut pas moins le détour. Le sujet abordé peut néanmoins heurter les âmes sensibles tant certains passages sont d’une sauvagerie sans nom. A ne pas mettre entre toutes les mains, donc.


  • Conseillé par
    21 septembre 2012

    Coup de coeur!

    Alors le voilà,mon seul coup de coeur de la rentrée, pour l'instant et contrairement à ce que mon blog reflète, j'ai lu une vingtaine de romans.

    Un homme est seul. Il écoute le sifflement du train, un son qu'il aime par dessus tout et surtout, il attend la mort, certain que c'est ce soir que l'un des ses anciens compagnons va venir l'assassiner. Mais avant de mourir, il décide de raconter ce que fut sa vie parmi les adeptes du gourou Aum. Dans l'endroit où il est né, tout était fait pour que personne ne s'attache aux gens ou aux objets. Elevés tous ensembles par plusieurs mères, les enfants ne savent pas qui est leur génitrice mais en fait, ils le devinent vite car les gestes d'une vraie mère sont bien plus tendres. Ensuite, les enfants sont élevés afin de devenir des guerriers et ces adultes ne doivent s'attacher ni aux femmes (même si les relations sexuelles sont encouragées mais "encadrées"), ni aux arts (la musique et le chant sont interdits). Ici, on ne questionne pas:

    Les croyants savent qu'il n'existe pas de questions inédites. Toute question digne de réflexion a déjà été posée, une réponse lui a été donnée. Le ver du doute, le corbeau de la question: ignore-les, anéantis-les.

    Tandis que notre narrateur grimpe dans la hiérachie, il est témoin d'actes insoutenables qu'il accepte comme naturel:

    Ensuite, j'allais chercher la fille. Le plus souvent, elle n'avait pas treize ans, tout juste onze. [...] La règle est inflexible: l'initiation par l'Eclairé devait avoir lieu après la première menstruation. Traire une génisse n'a aucun sens.

    Après le viol, voilà comment il explique les réactions des jeunes filles:

    Rendre l'initiée à la réalité après l'euphorie de ce qu'elle venait de vivre était une autre paire de manches. Je la trouvais souvent en extase ou plongée dans la stupeur, parfois même pleurant, tandis qu'elle luttait pour intégrer cette merveilleuse expérience à sa vie de tous les jours.

    Tarun Tejpal traite le narrauter avec beaucoup d'ironie, ce qui apporte une petite teinte d'humour dans un thème bien lourd. Et les lectrices auront les cheveux qui se hérissent à de nombreuses occasions, je vous en livre un exemple:

    [La femme] est semblable à un champ;, stérile au début de sa vie comme à la fin. Il est donc nécessaire et urgent de mettre à profit tout le temps où elle est fertile pour la labourer avec une diligence infatigable afin de tirer d'elle la récolte la plus abondant possible.

    Il ne fait pas bon être une femme dans cette société pensée par des hommes.

    Ce roman qui est une allégorie de l'endoctrinement dénonce aussi le système des castes avec le personnage de l'inspecteur des égouts qui s'est attachée aux hommes qu'il dirige et dont le travail consiste à nettoyer ce que les autres castes rejettent.

    Ce roman est intelligent, très bien écrit (bravo à Dominique Vitalyos pour la traduction française). A lire absolument.


  • Conseillé par
    3 septembre 2012

    Voici un roman dont on ne sort pas reposé. Il m'a fallu une centaine de pages pour entrer dans le rythme, dans l'histoire, dans l'écriture poétique et paraphrastique de l'auteur. Et puis, ensuite, malgré des passages longs, des répétitions, l'emballement et la fascination pour le monde décrit sont bien présents.

    Tarun Tejpal construit une communauté qui paraît tout d'abord utopiste certes, mais plutôt positive. Une sorte de société idéale. Puis, très vite, le vernis craque et la vérité apparaît, pas aux yeux des gens embrigadés, mais à ceux des lecteurs et à ceux du narrateur, bien des années plus tard. "Nous étions tous égaux, nous étions tous frères. Mais à l'intérieur même des fratries, un respect particulier est accordé à celui qui est un peu plus qu'égal." (p.145/146)

    Le narrateur, arrivé quasiment au plus haut de la hiérarchie est passé par des épreuves terribles, cruelles et violentes et en a fait subir autant. Dans cette société "idéale", l'homme, pour grimper les échelons ne doit avoir aucun attachement matériel ou affectif, aucune faiblesse. Les enfants ne savent pas qui est leur mère et les mères ne peuvent pas dire qui sont leurs enfants, tous vivant au sein d'un même groupe et jouant respectivement les rôles des enfants de toutes les mères et des mères de tous les enfants. La seule référence qui tienne, c'est Aum et donc la recherche de la vérité et de la pureté. C'est un monde sans sentiments, sans émotions : un monde animal, dans lequel l'homme nie totalement sa nature qui le pousse à vivre en étroite corrélation tant matérielle qu'affective avec autrui. Il doit tendre vers la perfection du corps et de l'esprit.

    Ce roman est une sorte de fable sur tous les totalitarismes, sur toutes les dérives des intégrismes. Je ne suis absolument pas connaisseur de l'Inde et ne peux donc dire si Tarun Tejpal fait référence à son pays particulièrement. Je pense que son propos est universel. J'ai facilement pensé au stalinisme, au nazisme avec leurs épurations, leurs purges, vocables qu'emploie l'auteur, et sûrement à beaucoup d'autres régimes qui se sont assis sur la terreur, la domination et la soumission de leurs sujets. "Ce jeune Éclaireur, cependant, s'était avéré un frère sans défaut, doué d'un intellect exceptionnel, qui mettait ses paroles au service de la seule cause des purs. En moins de quinze ans parmi les Éclaireurs, il avait débusqué et livré plus d'une vingtaine de frères déchus, parmi lesquels d'autres Éclaireurs qui avaient égaré le sens du message qu'ils transmettaient. Et lors des procès d'épuration en présence des Grands Timoniers, il avait exposé avec brio et sans pitié les mensonges et les défaillances des traîtres." (p.350)

    Là où l'auteur est très fort et réussit une vraie prouesse, c'est qu'il décrit des scènes terribles, des pratiques odieuses et détestables, notamment le sort réservé aux femmes -mesdames féministes, vous allez frémir et bouillir- sans jamais avoir recours à des descriptions minutieuses. Il pourrait aisément écrire des paragraphes insoutenables, mais son écriture est là qui, sans minimiser les souffrances, permet aux lecteurs des les lire sans défaillir. Il procède par images, par détours. Quelques chapitres sont particulièrement prenants et marquants (La trahison romantique, p.170 ; La fille au regard fulgurant, p.287) entre autres et globalement, les 250 dernières pages entrecoupées parfois de paragraphes un peu longs que l'on peut passer rapidement.

    D'avance désolé, car je crains d'être un peu en-dessous de tout ce que j'ai ressenti en lisant ce roman, ce qu'il dénonce, ce qu'il raconte et décrit et également la manière d'y parvenir.

    Un roman très fort et puissant, à l'image de sa couverture, de cette nouvelle rentrée littéraire.


  • Conseillé par
    30 août 2012

    Lors d'une longue nuit, un homme attend ses anciens frères d'armes les Wafadars qui vont venir le tuer. Il s'est enfui de cette vallée de l'Inde où il vivait dans une communauté. Une vallée coupée de tout, vivant en autarcie selon des préceptes d'un gourou légendaire Aum, le pur des purs. Durant cette nuit, il va raconter son histoire, la transcrire avec un souhait : les hommes doivent entendre ce que j'ai à dire, y réfléchir et agir en conséquence.

    Anka est un ancien Wafardar, un guerrier entraîné par des années d'initiation et d’épreuves. Séparé à l'âge de trois ans de sa mère pour être élevé par toutes les mères au sein de la Maternité. Ne pas laisser place aux préférences et aux émotions, la non possession est un des préceptes d'Aum. La vie sublime d'Aum nous enseignait, que contrairement à l'histoire lamentable du monde, le soi inférieur pouvait être entièrement vaincu à condition de s'atteler de bonne heure à la tâche et de ne jamais abandonner. Chacun de nous avait résolu de ne jamais faillir à Aum.
    Une communauté régie par des règles de d'égalité et où chacun porte le même masque à l’effigie d'Aum pour bannir l’individualité. Les membres de la communauté sont immergés dans un environnement contrôlé et hiérarchisé où la musique et le chant sont interdits. Avant d’être sélectionné pour devenir un Wafardar, Anka a connu le Berceau puis le Foyer, la Caserne et le Sérail des Bonheurs fugitifs où les hommes s’adonnent au plaisir avec de nombreuses femmes. Sans s'attacher à l'une d'entre elles ou pire, développer des sentiments. A chaque étape de son parcours, il a subi des mises à l'épreuve sur son engagement, ses connaissances sur Aum et sur les neuf livres d'où sont tirés tous les enseignements. Ce cheminement vers la voie la plus haute est en fait une compétition déguisée où la barbarie existe.

    Le mot secte vient forcément à l’esprit d’autant plus que dans la Vallée les informations délivrées sur l’outre-monde (le monde extérieur) sont terrifiantes. Au fil des pages, on devine que la Vallée n’est pas un cocon où l’on s’emploie à ce que chacun soit pur et digne d’Aum.

    Dans ce livre, Tarun Tejpal distille habilement une forme de suspense. Je l'ai lu en apnée totale ! Car si il y a une fascination presque magnétique qui s’en dégage, elle est vite troublée par les interrogations que l’on se pose. Et je l’ai terminé abasourdie… Pourquoi Anka s’est-il enfui ? Comment a-t-il compris que les principes de la communauté étaient des leurres ? Je vous laisse le découvrir !

    Dans ce très, très bon roman foisonnant, intelligent qui ressemble à une fable, Tarun Tejpal dénonce un univers déshumanisé et totalitaire. Il nous met en garde sur les dérives du pouvoir, de la religion et du communautarisme basé sur des idéologies attirantes.Un immense coup de cœur sur toute la ligne !
    Un livre puissant, engagé à l’écriture sublime (chapeau bas pour la traduction) que je ne suis pas prête d’oublier ! A lire absolument et à faire lire !