L'invention des déchets urbains, France 1790-1970
EAN13
9791026704829
Éditeur
Champ Vallon
Date de publication
Collection
Milieux
Langue
français
Fiches UNIMARC
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L'invention des déchets urbains

France 1790-1970

Champ Vallon

Milieux

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En France, les municipalités produisent aujourd’hui 47 millions de tonnes de
déchets par an ; elles consomment environ 6 milliards de mètres cubes d’eau et
produisent à peu près la même quantité d’eaux usées. Les villes consomment
donc beaucoup et perdent presque autant. Elles constitueraient, selon
l’écologue Eugen Odum, des écosystèmes parasites, vivant au détriment des
autres tout en affectant le fonctionnement biogéochimique de la
biosphère.Déchets et eaux usées sont d’excellents traceurs des relations
qu’entretiennent les sociétés et la nature et permettent de s’interroger sur
la permanence du parasitisme urbain — question d’importance au regard des
enjeux du développement durable. Une première analyse laisserait penser que
l’industrialisation et l’urbanisation caractéristiques des deux derniers
siècles ont renforcé le rôle destructeur des villes et la production de
déchets de toutes natures : le déchet serait en quelque sorte consubstantiel à
la ville.Sabine Barles revient ici sur cette hypothèse en montrant que
l’invention des déchets urbains est relativement récente. L’analyse et
l’exploitation du cycle des matières furent en effet déterminantes au cours de
la première révolution industrielle. Leur circulation de la maison à la rue,
de la rue et de la fosse d’aisances à l’usine ou au champ contribua au premier
essor de la consommation urbaine. Scientifiques, industriels, agriculteurs –
parfois confondus – regardèrent la ville comme une mine de matières premières
et participèrent, aux côtés des adminstrations municipales, des services
techniques et des chiffonniers, à la réalisation d’un projet urbain visant à
ne rien laisser perdre, projet garant de la salubrité urbaine, du dynamisme
économique et de la survie alimentaire.Ce n’est que lorsque industrie et
agriculture purent se passer de la ville qu’elles lui abandonnèrent ses
excreta au profit d’autres matières premières plus abondantes, plus rentables,
plus commodes. De fait on assiste, à partir des années 1880, à une
dévalorisation progressive des excreta urbains qui se feront plus tard déchets
et eaux usées, malgré les tentatives faites çà et là pour leur trouver de
nouveaux débouchés. Chimistes et agronomes se détournèrent de la ville qui
échappa dès lors à leurs compétences.La ville, principal lieu d’une
consommation dont elle avait dans un premier temps permis l’essor, rompait ses
liens matériels avec l’agriculture et l’industrie et devenait ce que
dénonçaient les premiers écologues urbains : un parasite.
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